Quel est le sens et le contenu de la
discussion sur les “réformes” d’une économie détruite en
grande partie, mais qui continue à se référer aux
charactéristiques structurelles d’une “économie européenne”?En
Grèce on parle de tous cotés de reconstruction.
Chez Syriza comme chez l’union des grandes entreprises et
industries (SEV). La société grecque est surprise par
l’effondrement. En meme temps les forces politiques et les
institutions publiques éprouvent de grandes difficultés à
affronter une telle situation, sans stratégie et sans plan face à
la profondeur de la crlse sociale, la faiblesse de l’appareil
productif et la désorganisation – empirée par les récentes cures
d’austérité – de l’administration et des services. Les
discours sur la “reprise” et le “développement” sont peu
précis, et meme la gauche au gouvernement n’a pas encore completé
son programme de reconstruction, occupée à faire immédiatement
face à la crise humanitaire et faire redémarrer l’économie.
Durant les quatre dernières années
le produit intérieur grec a baisé de 25%, tandis que la production
industrielle baisait de 27% en moyenne mais de 60% dans les secteurs
de biens durables et des biens d’investissement. Le chomage a
dépassé les 30% de la population active (selon l’Institut du
Travail) et plus des 50% pour les jeunes, tandis que les salaires ont
été réduit de 21% en moyenne, et les pensions de 45%. Le personnel
du système public de soins primaires a diminué de 40%, conduisant
en fait á une quasi disparition des ces services, remplacés par le
privé. La réduction des salaires selon la logique de la
“dévaluation interne”, n’a pas abouti a une reprise des
investissements, et meme pas à une reprise des exportations. Au
cointraire le rythme d’accumulation de capital fixe est devenu
négatif, et en plus le rapport produit sur stock de capital s’est
effondré.
Mais il ne s’agit pas seulement
d’une déstruction d’appareil productif, et d’une mise au
chomage d’un tiers de la population active provoquant un éxode
sans précédent des jeunes diplomés. La classe des entrepreneurs a
approfondi son caractère rentier en profitant de l’austérité
pour maintenir au meme niveau les profits (pour l’ensemble de
l’économie), revendiquer de nouveaux financements, et s’abstenir
soigneusement de tout projet concernant l’économie dans son
ensemble. La crise et sa gestion par la troika, par les réductions
de personnel dans les administrations et les services sociaux, mais
aussi par les logiques de privatisation tout azimuts, ont encore
reduit l’efficacité du service public et sa capacité de résister
aux pressions clientélistes reforcées par l’accroiseement des
inégalités et le manque de ressources. Deux questions difficiles se
posent. Quels peuvent etre les moteurs de la reconstruction, au sein
de la société grecque? Quelles institutions et instruments
politiques sont nécessaires pour appliquer un programme de
reconstruction?
La marginalité incontestable de
l’économie grecque par rapport aux centres productifs et
économiques du continent, n’est pas un phénomène récent. La
bourgeoisie grecque de l’après guerre s’est formée sous
l’occupation, la guerre civile et la distribution du plan Marshall.
Elle a profité jusqu’à la moitié des années 70, de la
surexploitation de la classe ouvrière (sous des variantes d’état
répressif face à la gauche et le syndicalisme), des devises des
émigrés et des marins, des subsides aux investissements et aux
exportations pour une industrie hyperprotégée, des investissements
étatiques dans les infrastructures, et quelques grands
investissements étrangers ou d’ armateurs grecs.
Quand se décidait l’entrée de la
Grèce dans le marché commun à la fin des années 70, le modèle
économique et social ne ressemblait en rien aux variantes de
fordisme et d’état social dominantes en Europe non
méditerranéenne. Il s’agisait en fait d’un modèle basé sur
des rapports clientélistes entre le monde des entreprises et l’état
(et les banques sous controle de l’état), hérité des rapports
forgés durant la guerre civile et ses suites, dont le dernier
épisode fut la dictature militaire. Le monde du travail était
divisé entre les syndicats corporatistes du secteur public et la
masse des travailleurs non représentés et en partie non déclarés.
L’état gérait l’équilibre entre des intérets parfois
contradictoires d’entrepreneurs, de groupe sociaux privilégiés et
intérets locaux, sans jamais – jusqu’à aujourd’hui –
pouvoir planifier, coordonner, ou réformer, pour résoudre des
problèmes stratégiques comme, le déficit extérieur,
l’inéficacité de l’administration publique, et les services
publics tolérants face au travail non dèclaré et l’évasion
fiscale.
Les années 80, quand coincident
l’entrée effective dans le marché commun et la formation d’un
gouvernement socialiste (PASOK), sont la période clef pendant
laquelle le monde des entrepreneurs grec a réussi à empécher la
création d’institutions capables d’appliquer une stratégie
d’”européanisation” de l’économie et de la société. La
politique industrielle ne pouvait concerner autre chose que les
subsides et le cout du travail, pendant que l’industrie devait
passer en un temps record d’un protectionnisme dur à la
compétitivité dans un marché ouvert. Malgré le fait que
l’industrie ne s’est jamais remise de la crise de surendettement
de cette période, et du choc de l’ouverture au marché européen,
le modèle clientéliste ne fut pas mis en question. La formation de
services sociaux qui commencaient à ressembler à un état social,
fut acceullie par les industriels comme un gaspillage inutile. Les
rentrées fiscales ne suivant pas, cette situation a d’ailleurs
causé l;augmentation de la dette publique. L’opposition de droite
au PASOK n’a construit pour son gouvernement de courte durée des
années 1990-1993, qu’une perspective thatchérienne pure (de
retour en arrière en réalité) qui a buté contre les puissants
syndicat des entreprises publiques.
Le PASOK lui, avait perdu le pari du
tournant vers l’”européanisation”, mais avait tout de meme
créé une alliance solide avec les syndicats du secteur public, un
fordisme à la grecque, et avait aussi satisfait des demandes
économiques et démocratiques de la population. La gouvernance
socialiste depuis la moitié des années 90 jusqu’à la défaite
électorale de 2004, la période d’hégémonie au sein de ce parti
du courant “modernisateur”, a été une période pendant laquelle
cette stabilisation a servi à initier le tournant vers l’application
graduelle des politiques néolibérales. La primauté, ou plutot le
charactère sacré de l’initiative privée, à été le masque sous
lequel à subsisté le système clientéliste d’aide au
entreprises, qui s’est adapté au mécanismes de gestion des Cadres
Communautaires d’Appui successifs, un système qui a entretenu
l’inéfficacité légendaire de l’administration étatique. Le
fonds européen, sous les regards compréhensifs des services de la
Commission (chaque CCA approuvé par Bruxelles devait corriger les
déficiences du précédant, sans résultat), ont servi à entretenir
une industrie et un appareil productif, en perte de compétitivité,
technologiquement stagnant et peu innovateur. Mais ces fonds
servaient aussi à former une nouvelle classe moyenne, autour de la
gestion de fonds européens, dans les services financiers, mais aussi
par la corruption dans l’ administration et les organisations
syndicales, lesquelles on fini par donner le feu vert à la
privatisation des entreprises publiques et l’entrée massive du
privé dans le secteur des services sociaux.
La flexibilisation du marché du
travail a suivi une voie originale, aboutissant pourtant au résultat
escompté, qui était en réalté le maintien du “droit” au
travail salarié bon marché pour les petits entrepreneurs, les
agriculteurs et la classe moyenne des villes. L’entrée massive de
migrants des balkans depuis le début des années 90, avait permis le
maintien et meme l’extension du travail non déclaré, mais des
mesures successives de dérégulation du marché du travail à la fin
de la décennie, ont abouti très vite à l’incorporation dans le
marché du travail “bon marché” de la masse des jeunes et plus
particulièrement des jeunes diplomés. La décennie des années
2000, fut la période des boulots à 700 Euros pour la jeunesse
grecque. Par la suite les mesures des memoranda imposées par la
troika, et la montée du chomage, ont donné tout les pouvoirs aux
employeurs sur les salaires, les cotisations sociales, et les
conditions de travail.
Avant l’impasse révélée en 2009,
les gouvernements de droite d’après 2004, avaient laché les
brides et la dette publique a commencé à grimper (à partir d’un
100% du PIB maintenu stable depuis 1993), tandis que les banques on
poussé à l’endettement le secteur privé et les ménages, aidées
par la baisse de taux après l’entrée dans la zone Euro. Au moment
des jeux olympiques en 2004, la valeur ajoutée de l’industrie
avait baissé jusqu’à 13,2% du total, contre 20,5 dans l’Europe
des 25, et le déficit commercial (biens et services) était arrivé
à -19% du PIB, ayant démaré à -10% au début des années 80. La
fuite en avant vers une économie de l’endettement, à laquelle ont
participé les banques allemandes et francaises principalement, sous
le regard tolérant des institutions européennes, était le dernier
épisode d’un échec stratégique qui laisse le pays sans potentiel
productif digne de ce nom et sans institutions efficaces pouvant
gérer le redressement.
Le ridicule n’a pas tué le FMI et
la troika quand ils prévoyaient des acroissements des exportations
et des invesstissements “gràce” à la “dévaluation interne”,
qui ne se réalisaient jamais. C’était normal, selon la logique
néolibérale, que la priorité soit la gestion de la dette et pas le
redressement de l’économie. L’abandon de l’austérité et la
disponibilité de ressources pour augmenter la demande, ne vont pas
garantir la “reconstruction”, surtout quand son contenu n’est
pas encore déterminé. Il y a bien sur les “programmes
opérationels” alimentés par les fonds européens, mais leurs
orientation de base est de soutenir les entreprises extraverties et
le développement par les exportations, tandis que ne sont garanties
ni la volonté correspondante du secteur privé, ni l’efficacité
des services publics qui gèrent ces ressources.
La fin de l’austérité des salaires
et la disponibilité de nouvelles resources à travers une réduction
de la dette et une redistribution interne des revenus, peuvent
“relancer’ l’économie, mais ne vont pas initier sa
restructuration. La mentalité de rentier et le manque d’expérience
du secteur privé, le manque de structures de soutien adéquates, la
tentation des importations, s’ajoputant àet en plus la faible
croissance de la demande externe et interne, sont des facteurs qui
conduisent à prévoir une réaction faible et sélective des
investisseurs. Une approche radicalement differente est
indispensable. Des priorités doivent etre décidées et appliquées
entre investissements et dépenses courantes, entre production et
services, entre utilisation des ressources naturelles et protection
de l’environnement, entre activités extraverties et introverties,
par l’exceptation du fait que la reconstruction est avant tout la
satisfaction de besoins de la population et du marché intérieur. La
priorité doit etre donnée au travail intelligent, aux activités
cognitives, à un renversement complet par rapport à la déstruction
du droit du travail, des postes de travail et des institutions
sociales par des technocrates ignorants et inefficaces.
Il s’agit d’inventer et
d’appliquer une nouvelle planification, pilotée par les instances
politiques, mais avec un contenu déterminé par la participation des
citoyens et des travailleurs, par l’initiative sociale et solidaire
dans les services et la production, par l’élaboration de nouvelles
connaissances et d’innovations par des institutions de recherche et
des initiatives cognitives indépendantes. Il s’agit de
possibilités déjà visibles dans la société en crise de la Grèce,
qui doivent etre utilisées, soutenues et développées. Ce qui est
aussi visible c’est la prise de conscience en Europe, par une
partie importance du monde de l’économie sociale et solidaire et
du monde syndical, des nouvelles voies ouvertes pour les peuples
européen à la recherche d’un nouveau modèle après le désastre
causé par la domination néolibérale. Un désastre clairement
visible au sud, et manifestement menaçant au nord.
On compare souvent la Grèce
d’aujourd’hui à l’Allemagne des années 50 concernant la
réduction de la dette. Mais une comparaison beaucoup plus étendue
peut etre encore plus utile. Après la défaite de l’Allemagne en
1945, les alliés, après avoir flirté avec l’idée de la
transformer en un pays agricole, on décidé non seulement
d’encourager son développement industriel, mais de la doter aussi
d’institutions politiques et sociales à la pointe de la pensée
progressiste de l’époque, comprenant des formes efficaces – là
où elles subsistent - jusqu’à ce jour de cogestion des
entreprises. Les pays industriels avancés ont fait preuve à ce
moment de l’histoire de clairevoyance mais aussi de générοsité,
qui pourraient servir d’exemple à ceux qui restent tentés par le
revenchisme des gagnants de la guerre de la finance.
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